Mader : un patronyme occitan.
De Lapparrouquial à Serrallongue : le parcours de Joan Madern
Vers la fin du 16ème siècle ou au tout début du 17ème, un jeune de Lapparrouquial, village au nord de l’actuel département du Tarn est venu s’installer et vivre à Serrallongue, alors territoire de la couronne d’Espagne.
La descendance de ce jeune homme Joan Madern sera très prolifique en Haut Vallespir.
Environs de Lapparrouquial |
Eglise de Serrallongue |
Le contrat de mariage des parents de Joan Madern:
Le 28 avril 1568 dans une auberge de Lapparrouquial est signé le contrat de mariage (AD81 3E22/148) entre Bertrand Madern représenté par son oncle Peire Madern et Berthomina Molis représentée par son père Ramon. Berthomina apporte en dot 50 livres, un lit, une robe, une canne de drap (environ 1m80) .
Ramon Molis père de la mariée payera la fête.
Bertrand Madern étant représenté par son oncle on peut supposer que son père était déjà décédé à cette date.
Joan Madern de l’évêché d’Albi à Serrallongue:
Les parents de Joan se marient en 1568 à Lapparouquial.
En 1603 Joan Madern est présent à Serrallongue où il figure sur la liste des confessés de Pâques. Le 4 Février 1604 il se marie à Serrallongue avec Joana Casals.
« Vuy el 4 de febrer 1604 foren esposats i pregueren benedictio nupsial en l’isglesia parochial de Serrallongua Joan Madern del regne de fransia del bisbat d’albi i Joana casals donsella de la present parrochia………… »
(AD66 5-Mi-633-2)
Le contrat de mariage passé chez le notaire Francoli notaire à Prats (3E53/15):
Il est à nouveau précisé qu’il est originaire de l’évêché d’Albi et ses parents sont bien cités comme étant Bertrand y Berthomena. Joana Casals sa future épouse apporte en dot
» 20 lliures moneda de rossello , una axada, un perol de aram……. »
La migration de Joan Madern:
Le 16ème siècle est une période de fortes migrations Occitanes vers la Catalogne.
La région a été largement dépeuplée par des séries d’épidémies et au même moment de nombreuses régions françaises (notamment tout au long des Pyrénées) traversent une crise (guerres de religion). Dans de très nombreuses familles, la seule issue pour les cadets était de partir tenter leur chance ailleurs. En comparant les fogatges (feux) de 1553 et de 1602 (et plus encore avec celui de 1497), Patrick Dombrowsky remarque le taux très élevé de renouvellement des patronymes.
Nombreux sont les patronymes du Vallespir « arrivés » à ce moment là (Dunyach, Trescases, Peytavi, Madern, etc)
Joan Madern devait avoir probablement entre 20 et 30 ans lors de sa migration. Ses parents se marient en 1568 et lui est présent au printemps 1603 (Pâques) à Serrallongue. Comme il figure sur la liste des confessés de 1603 et pas dans celle de 1602 on pourrait penser qu’il est arrivé à Serrallongue durant l’année 1602.
Il savait probablement par des colporteurs qu’il y avait du travail en Catalogne. Ets-il venu directement ou par étapes. Son but était il de quitter le royaume de France ?
De nos jours on a du mal à imaginer qu’un jeune cherchant du travail traverse les plaines Albigeoises, Narbonnaises, Roussillonnaises pour s’arrêter dans les fermes du Haut Vallespir. Mais la situation était complètement différente au 16ème siècle.
La vie de Joan Madern en Vallespir:
Joan se marie à Serrallongue en 1604. Nous lui connaissons 2 fils Llorens et Josep et une fille Margarida. Il décède en 1651 âgé probablement de plus de 70 ans à Serrallongue.
Au mariage de son fils Josep en 1642 il est déclaré pagès.
« Als vint i dos d’agost de any mil sis sens coranta y dos foren esposats per mi Francesc Capdevila prevera y curat de Serrallonga Joseph Madern fadri fill llegitim y natural de Joan Madern pages de la parrochia de Nostra Senyora de Serrallonga y de Joana muller sua tots vivint de una part y Maria Magdelena donsella filla de Joan Pere Illa pages de Santa Cecilia de Mollo …………… »
Le pagès était un propriétaire terrien qui possédait au moins une partie de ses terres et sa maison. C’est donc qu’une quarantaine d’ années après son installation en Haut Vallespir Joan Madern avait plutôt réussi sa migration.
Il mourra en 1651 et sera inhumé à Serrallongue avec présence de 5 prêtres, ce qui nous renseigne également sur le statut social plutôt élevé .
» El 25 Juliol 1651 sépultura de Joan MADERN ab 5 capellas rebe tots los sagraments es feta la novena y les onras ab 8 capellas. »
Origine des Madern :
Jean-Louis Dega généalogiste Tarnais qui a particulièrement travaillé sur le nord du département précise : » Le patronyme MADERN (devenu MADER) etait assez frequent vers 1600 dans les communes actuelles de Montirat, Mirandol, Pampelonne. » Il existe un lieu-dit et un ruisseau et une ferme » Mader » au sud de Naucelles (Aveyron). »
Est-ce là l’origine des Madern du Haut Vallespir ?
Entre 1891 et 1915 il y a eu 59 naissances Madern en France dont 50 dans les Pyrénées Orientales; 281 naissances Mader en France réparties sur la plupart des départements (source http://genealogie.orange.fr).
Au vu de ces chiffres on pourrait penser que le patronyme Madern est d’origine catalane. Et bien non, il est d’origine occitane mais il s’est maintenu grâce à la prononciation du n final en catalan et surtout grâce à un homme Joan Madern qui a eu le courage en 1600 de rallier Lapparrouquial à Serrallongue soit plus de 200 kilomètres à vol d’oiseau.
Les occitans ne prononçant pas le « n » final, celui-ci a fini par disparaître. Certains albigeois vont encore sur les bords du « Tar » et non pas du « Tarn ».
Les catalans prononçant ce « n » final l’orthographe d’origine s’est maintenue.
Il y a de fortes probabilités pour que tous les Madern du Haut Vallespir descendent de lui et soient de ce fait tous cousins.