Ermessende : une catalane au cœur de la tragédie cathare

d’après « Olivier de Termes, le cathare et le croisé »
de Gauthier Langlois-Privat 2001

1 Un mariage inattendu

Château de Termes (Aude)  (photo Jean-Claude Planes)

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En 1197, est célébré le mariage d’une jeune et riche héritière du Vallespir au joli nom : Ermessende de Corsavy. Depuis le décès de son oncle et de son père après 1194, elle se retrouve à la tête d’une petite baronnie. Elle épouse Raimond, frère cadet

de Peire-Olivier, seigneur de Termes. Il a plus de 41 ans, peut-être 50 ! Sa position de cadet le vouait à rester indéfiniment jeune, c’est à dire à ne pas s’établir en prenant femme et seigneurie. Par chance pour lui, son frère aîné Peire-Olivier n’ayant toujours pas d’enfant, quand il apparaît nettement qu’il n’aura pas d’héritier, il faut bien songer à assurer la descendance du lignage et à trouver une épouse à ce cadet! Le marié est donc un homme d’un âge mur alors que son épouse est fort jeune, peut-être est-elle à peine pubère.

 

 

2 Conséquences du mariage : à Corsavy on change de seigneur…

Le village de Corsavy avec sa tour (photo www.villagesdefrance.free.fr)

corsavy
La jeunesse et la condition d’orpheline d’Ermessende en font une proie facile, exposée à toutes les convoitises. De fait, à peine mariée, Raimond de Termes prend en main le destin de Corsavy. En 1197, il conteste le testament de Bernard de Corsavy, l’oncle d’Ermessende, qui avait légué un certain nombre de ses biens à l’abbaye d’Arles- sur -Tech. Un compromis intervient, sous l’arbitrage de l’évêque d’Elne Guilhem de Céret et du vicomte Joffre II de Rocaberti. Ermessende, seigneur de Corsavy, du consentement et de la volonté de son mari, abandonne à l’abbaye 3 des 5 mas contestés, situés pour la plupart autour d’Arles. Dans cet acte, Raymond n’est encore que le mari du seigneur de Corsavy mais en 1207, Raimond a la main-mise totale sur les biens de sa femme et s’intitule seigneur de Corsavy.

 

3 … et Ermessende est reléguée à son rôle de mère.

Ermessende se voit vite reléguée à son rôle d’épouse et de mère. Entre 1197 et 1210, elle va d’ailleurs donner naissance à 4 enfants : Olivier, Bernard, Raimonde et Blanche. La tâche d’Ermessende était de fournir un héritier masculin mais c’est d’une fille qu’elle accouche en premier, certainement Raimonde, prénom qui rappelle celui de son père. Ensuite naît un garçon que l’on prénomme Olivier pour bien marquer qu’il est l’héritier du lignage.

Le premier à avoir enraciné la famille en Termenès portait ce prénom qui était auparavant inconnu en Languedoc comme en Catalogne. De ce fait il marque pratiquement à lui seul l’appartenance à la famille de Termes où il est porté une génération sur deux. Ce prénom véhicule donc une forte conscience lignagère mais aussi une forte charge symbolique.

Olivier n’est-il pas le prénom d’un héros des chansons de geste de l’époque où naît notre Olivier ? Chantée dans toutes les cours aristocratiques, la légende de Charlemagne et d’Olivier compagnon et beau-frère de Roland est connue de tous. Olivier y est le symbole de la sagesse de la modération et de la ruse envers les Sarrasins alors que Roland est fanfaron, fougueux et emporté. En choisissant ce prénom, les membres de la famille de Termes se plaçaient dans la parenté mythique de ce héros pour mieux faire rejaillir la gloire sur la famille.

4 Dans la tourmente cathare

Nous sommes au cœur de l’été 1210. Il y a juste un an que les croisés de Simon de Montfort se sont emparés de Béziers et Carcassonne. Au mois de juillet, Minerve a capitulé. Au cœur du massif des Corbières, voici Termes. Son seigneur Raymond s’est préparé pour le siège, « vivres en abondance, viande fraîche, lard salé, vin, et eau et pain à foison ».

On ne sait encore pourquoi, après avoir pris la fuite avec ses hommes dans la nuit du 22 au 23 novembre, Raymond retourne au château. Il est capturé par les croisés. Incarcéré par Simon de Montfort, il mourra certainement en prison, dans une tour de Carcassonne, celle-là même où Raimond-Roger Trencavel, seigneur de Carcassonne, Béziers et Albi, avait trouvé la mort en 1209.

De nombreux assiégés trouvent refuge en Catalogne, pays où ils vont être à l’abri. Parmi eux, Ermessende, l’épouse du seigneur déchu, à présent riche veuve et ses enfants dont Olivier de Termes, ce fils qui va devenir paradoxalement un protecteur d’hérétiques et sera excommunié par l’Eglise puis qui, devenu un familier du roi de France, va tout sacrifier à la défense de la Terre Sainte.

5 Le retour d’Ermessende en Vallespir

Les tours de Cabrenç (photo pays.vallespir.online.fr)

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C’est le sort de bon nombre de jeunes filles de se retrouver mariée à des vieillards et de devenir de jeunes veuves. C’est ce qui arrive à Ermessende en cette fin 1210 et en plus, elle est riche ! Elle se remarie avec un riche seigneur catalan, Bernard-Hugues de Serralongue, baron de Cabrens dont on peut observer les tours depuis Serrallongue. Avec ce baron du Vallespir, elle va avoir 4 garçons et 3 filles. Avec les enfants de son premier mariage, elle avait en charge 11 enfants qui parviendront tous à l’âge adulte. Bernard-Hugues, contrairement à certains beaux-pères eut avec les enfants de sa femme d’excellentes relations. Il a même été le parrain le parrain d’Olivier, remplaçant dans son cœur l’affection que pouvait lui porter son père. Il faut dire qu’Olivier est d’un rang social plus élevé que Bernard-Hugues. Il est donc plus fortuné et peut se permettre de ne pas convoiter l’héritage de Corsavy. De fait cette seigneurie sera attribuée à Raimond de Serralongue, le deuxième fils vivant d’Ermessande et de Bernard-Hugues après le décès des parents.